L’Abeille et les autres insectes pollinisateurs pour notre survie.
Les pollinisateurs, nous le savons, sont responsables de la production d’un grand nombre de cultures de fruits et de légumes, cultures que nous consommons tous les jours et qui nous procurent un bon apport d’éléments nutritifs. Cette pollinisation par les insectes est aussi nécessaire à la régénération de nombreuses cultures fourragères utilisées par le bétail. Nous connaissons le rôle essentiel de ces précieux alliés, rôle directement lié à notre propre survie.
L’insecte pollinisateur le plus réputé est sans aucun doute Apis mellifera, mieux connue sous le nom d’abeille domestique. Ce pollinisateur est domestiqué, tout comme la vache, le porc ou la volaille. Il est donc possible pour l’humain d’avoir un certain contrôle sur le maintien des populations d’abeilles. Malgré cela, depuis quelques années, les apiculteurs de toutes les régions du monde déplorent annuellement une perte de colonies d’abeilles allant de 30 à 70 %, et parfois plus.
Pendant que nous apiculteurs nous nous acharnons à rebâtir nos colonies perdues, qui s’occupe des pollinisateurs sauvages ? Ces espèces hébergées par les milieux naturels sont-elles aussi en train de dépérir?
Au niveau mondial, quelques 17 000 espèces de pollinisateurs sauvages ont été identifiées. Depuis le milieu des années 1990, des baisses de population de ces pollinisateurs ont été signalées sur pas moins de quatre continents.
Le déclin d’une population est défini comme une diminution du nombre d’individus ou encore du nombre d’espèces dans un milieu, dans le temps. Selon les experts chargés d’estimer le déclin des pollinisateurs, ce type de situation est observable et varierait d’une espèce à l’autre. Pour obtenir un nombre suffisant de pollinisateurs et assurer le rendement optimal de nos cultures, il est possible d’augmenter le nombre d’individus par l’élevage d’espèces sélectionnées. Au fil des siècles, c’est ainsi que l’humain a domestiqué l’abeille. Toutefois, ce ne sont pas toutes les espèces qui peuvent être domestiquées. La majorité des pollinisateurs sauvages sont solitaires, et non sociaux. L’élevage de ces espèces solitaires est impossible.
La protection et le maintien des populations naturelles locales s’avèrent des stratégies durables de conservation des pollinisateurs. Madeleine Chagnon, chercheure associée à l’UQAM et s’intéressant aux impacts des insecticides néonicotinoïdes systémiques sur les abeilles, a publié avec sa collègue Monique Boily une étude dans laquelle elles réitèrent leurs inquiétudes face à la présence même de ces composés chimiques dans l’environnement pour la survie des pollinisateurs. En effet, à l’aide de biomarqueurs, cette étude a démontré une hausse de l’activité de l’enzyme AChE chez les abeilles qui étaient exposées au pollen de plants de maïs qui avaient été ensemencés avec des graines enrobées de ces pesticides systémiques de la famille des néonicotinoïdes. Ainsi traitée, la plante récupère une dose mortelle de l’insecticide, ce qui la protège des insectes ravageurs. Malheureusement, ce produit se retrouve aussi, à plus faibles doses, dans le pollen et le nectar des plantes. Basé sur les résultats de nombreuses études importantes, l’usage de ces insecticides fait présentement l’objet d’un moratoire dans plusieurs pays du monde.
Il existe bien sûr d’autres causes possibles du déclin des pollinisateurs, incluant la perte de diversité des ressources florales, les pathogènes et les parasites. Cependant, des études ont démontré que l’exposition, même sous-létale, à ces pesticides neurotoxiques pourrait accentuer les effets néfastes de ces autres facteurs de stress.
Des études sont en cours au laboratoire de Valérie Fournier de l’Université Laval pour vérifier les risques d’exposition des abeilles domestiques et sauvages aux poussières de semences contenant des néonicotinoïdes, lors des semis de maïs, de soya et de canola.
Bien que l’on considère que les abeilles sauvages jouent un rôle clé dans les fonctions des écosystèmes, très peu d’études ont exploré la dynamique de ces populations. De plus en plus, on observe de grandes fluctuations des populations chez ces pollinisateurs à l’échelle de la planète, ce qui peut avoir d’importantes conséquences sur l’équilibre des relations écologiques dans les écosystèmes naturels.
Par des initiatives individuelles, communautaires et urbaines, il est possible de poser des actes concrets pour protéger ces alliées. Toutefois, nous avons besoin de l’aide des gouvernements, afin qu’ils posent des gestes notoires tels que la création d’aires de conservation, et surtout la mise en place d’une réglementation plus adaptée à la réalité des espèces contre les stress environnementaux qui les menacent, tels que les néonicotinoïdes, allant jusqu’à les interdire.
Tout comme l’abeille domestique, les pollinisateurs sauvages butinent les plantes agricoles dans leur environnement. Avec l’intensification croissante de l’agriculture, il est important de prendre des mesures de gestion des ennemis des cultures qui permettront le développement d’une agriculture durable. Tout cela, pour assurer la conservation à long terme de nos ressources alimentaires et aussi la survie de l’équilibre éco systémique dans lequel nous vivons. Nous parlons donc ici de notre propre survie !
Madeleine Chagnon, entomologiste et chercheure associée au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal
Jacques